L’année 2020 a été marquée par de nombreuses attaques, notamment contre nos libertés, mais également par des luttes qui ont apporté leur lot d’avancées et de victoires.
Pour se limiter aux médias, on rappellera le décret d’avril 2020, qui intègre les journalistes rémunérés à la pige dans le dispositif d’indemnisation du chômage partiel (lire le communiqué). Ou encore l’arrêté du 19 octobre, qui accorde aux journalistes pigistes les mêmes droits que les autres salariés pour les prestations de la Sécurité sociale pour maladie, maternité, invalidité et décès (lire le communiqué). Deux dossiers dans lesquels l’action coordonnée des syndicats, mais aussi des associations et collectifs de journalistes, a été déterminante.
Débuté en novembre, le combat contre le schéma national de maintien de l’ordre (SNMO) et contre le projet de loi « sécurité globale » reste plus que jamais d’actualité. Il en va de la défense de nos libertés fondamentales, notamment celles de manifester, d’informer et d’être informé. Créée à l’origine par la Ligue des Droits de l’Homme et les quatre syndicats représentatifs de journalistes, la coordination nationale #StopLoiSécuritéGlobale s’est élargie à de nombreuses autres organisations syndicales, à des associations, collectifs et comités de réalisatrices et réalisateurs, de défense des droits humains, de Gilets jaunes, de familles de victimes des violences policières…
Des centaines de milliers de personnes ont manifesté contre le SNMO et la proposition de loi « sécurité globale », mais aussi contre tous les textes et dispositifs liberticides.
A l’appel de cette coordination, des centaines de milliers de personnes ont manifesté dans des dizaines de villes en France contre le SNMO et la proposition de loi « sécurité globale », qui sera désormais débattue en mars devant le Sénat, mais aussi contre tous les textes et dispositifs liberticides. Notamment la proposition de loi « confortant le respect des principes de la République » (ex-proposition de loi « contre les séparatismes ») et les trois décrets du 2 décembre. Ces derniers élargissent les possibilités de fichage des personnes physiques et morales, jusqu’à permettre la mention « des opinions politiques, des convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale », ainsi que « des données de santé révélant une dangerosité particulière »…
Nous nous réjouissons que le Conseil d’Etat, saisi par l’association La Quadrature du Net, ait, le 22 décembre, intimé au préfet de police de Paris, Didier Lallement, de « cesser, sans délai, de procéder aux mesures de surveillance par drone des rassemblements de personnes sur la voie publique ». « Cette décision du Conseil d’État est une double claque pour le gouvernement : non seulement les drones sont interdits, mais le gouvernement a perdu toute légitimité juridique à vouloir les autoriser dans la loi (à moins d’apporter l’impossible preuve d’une “nécessité absolue”) », commente la Quadrature du Net.
Saisi sur la question du fichage par plusieurs organisations, dont la CGT, le Conseil d’Etat a par ailleurs interdit « un enregistrement de personnes dans le traitement fondé sur la simple appartenance syndicale ». « Toutefois, l’atteinte portée aux droits et libertés reste conséquente car ces informations pourront toujours assez facilement apparaître dans les fichiers concernés et ce d’autant plus que parmi ces fameuses “activités susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l’Etat”, peuvent désormais figurer les “habitudes de vie”, notion particulièrement floue, ou encore l’activité d’une personne sur les réseaux sociaux », commentent ces organisations (lire le communiqué).
« Tant que ces textes liberticides ne seront pas abandonnés, nous défendrons sans relâche nos libertés. »
Coordination #StopLoiSécuritéGlobale
Le combat continue donc et c’est la raison pour laquelle, après la Marche blanche du 3 janvier à Paris en mémoire de Cédric Chouviat, la coordination #StopLoiSécuritéGlobale appelle « à de nouvelles Marches des libertés, samedi 16 janvier, partout en France, avant un grand rassemblement, samedi 30 janvier, à Paris » (lire le communiqué). « Tant que ces textes liberticides ne seront pas abandonnés, nous défendrons sans relâche nos libertés », insiste la coordination.
Les derniers jours de 2020 et les premiers de 2021 ont apporté la preuve que d’autres combats se profilent dans le monde de la presse et des médias. La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a ainsi confié à Laurence Franceschini, conseillère d’Etat, présidente de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), « une mission de réflexion sur les conditions d’accès aux aides à la presse et notamment celles relatives à la composition des rédactions ».
Pratiques de Reworld Media : il est temps de s’en inquiéter, alors que les nombreuses alertes avaient jusque-là laissé de marbre le ministère de la Culture.
Le ministère souligne que « l’accès au régime économique de la presse, via l’inscription sur les registres de la CPPAP, n’est assorti en tant que tel d’aucune condition quant à la présence de journalistes au sein des rédactions » et assure vouloir y remédier, en raison notamment des « changements récents constatés dans les rédactions de certains titres ». Cette dernière formule semble directement viser les pratiques de Reworld Media (lire le communiqué de la SDJ de Science et Vie), qui a mis la main sur les magazines de Mondadori France. Il est temps de s’en inquiéter, alors que les nombreuses alertes lancées par les rédactions concernées et les syndicats de journalistes avaient jusque-là laissé de marbre le ministère.
Le SNJ-CGT ne manquera pas de rappeler, à la faveur de cette mission, ses revendications dans le domaine, à savoir l’indépendance juridique des rédactions, des lois anti-concentration renforcées et un système d’aides à la presse qui participe réellement au maintien du pluralisme des médias et à la naissance de nouveaux titres indépendants. Aujourd’hui, ce système profite en grande majorité à quelques milliardaires qui n’ont que faire de ces considérations.
Les scandaleuses pratiques de Vincent Bolloré à Canal + inquiètent aussi dans les rédactions de Prisma Media.
Il n’est qu’à voir les scandaleuses pratiques de Vincent Bolloré à Canal +, qui vient de faire licencier l’humoriste et chroniqueur Sébastien Thoen, 17 ans d’ancienneté, pour un simple sketch parodiant l’émission de Pascal Praud sur CNews, autre chaîne appartenant au milliardaire breton. Pire, pour avoir sobrement déclaré à l’antenne son soutien au salarié licencié, le journaliste sportif Stéphane Guy a subi le même sort : licenciement prononcé le 24 décembre. La protestation de 150 journalistes et collaborateurs du service des sports de Canal +, qui ont clamé leur indignation et défendu « la liberté d’expression, de caricature et de parodie », n’y a rien fait.
Et c’est ce même Bolloré qui, au travers de Vivendi, est en train de racheter à l’allemand Bertelsmann le premier groupe français de presse magazine, Prisma Média. Ce désengagement de Bertelsmann (par ailleurs propriétaire de M6 et RTL) parachève l’effondrement du système de la presse magazine, après les démembrements des groupes Lagardère et Mondadori. Créé en 1979, le groupe Prisma (Femme Actuelle, Geo, Capital, Télé Loisirs…) était jusque là un îlot de stabilité. L’inquiétude des journalistes est grande. Comment, par exemple, la rédaction de Capital pourra-t-elle continuer à publier des sujets concernant les activités du groupe Bolloré ?
Après les licenciements déjà enclenchés à L’Equipe et au Figaro, le groupe Infopro Digital a annoncé l’arrêt de parution du Journal de l’environnement et le groupe Centre France (La Montagne, La République du Centre, L’Yonne républicaine…) des dizaines de suppressions de postes.
La direction de France Télévisions ne s’est battue ni pour maintenir France 4 et France Ô, ni contre une nouvelle diminution de budget du groupe public !
Dans l’audiovisuel, la télévision a enregistré en 2020 des audiences en hausse, en particulier pour l’info, dont les JT de France 2 et France 3 régions. La chaîne jeunesse France 4 a été louée, notamment pour sa capacité à diffuser des programmes adaptés lors de la fermeture des écoles. Pourtant, le gouvernement a maintenu la disparition de la chaîne, ne lui accordant qu’un sursis d’un an, auquel n’a même pas eu droit France Ô, fermée en août. La direction de France Télévisions ne s’est battue ni pour les maintenir ni contre une nouvelle diminution de budget du groupe public !
Au contraire, elle a multiplié les suppressions de postes, non-remplacements, licenciements de CDI et de précaires. Le SNJ-CGT a poursuivi son soutien à ces derniers et, en plus des nombreuses condamnations aux Prud’hommes qui représentent plusieurs millions d’euros, France Télévisions a, pour la première fois, été condamnée au pénal pour abus de CDD.
Radio France : disparition de presque 250 postes d’ici 2022.
A Radio France, la direction continue de dérouler son plan, visant à supprimer 340 postes, dont seulement 183 remplacés. Ils s’ajouteront aux 86 postes vacants gelés depuis 2019, soit la disparition de près de 250 postes d’ici 2022. Les premiers noms qui figureront sur la liste des « départs volontaires » seront connus dans quelques jours, alors que le 20 janvier, le tribunal administratif examinera le recours de la CGT Radio France, non signataire de l’accord, portant notamment sur l’absence de mesures de prévention des risques psycho-sociaux. Dans le même temps, les 50 ans de FIP sont célébrés en grande pompe, alors que les moyens de cette antenne sont à nouveau rognés, avec des suppressions de postes à Bordeaux, Nantes et Strasbourg et la fin des flashes d’information.
Cette accélération des restructurations conforte notre détermination à faire de 2021, comme 2020, une année de luttes et de mobilisations.
Plus que jamais, l’avenir de la presse et des médias est notre affaire à toutes et tous !
Montreuil, le 7 janvier 2021.